“Seule la force impose une vérité, et la force n'a rien d'intellectuel. Elle contraint avec ses armes, par la torture, par le chantage, par la peur, par le calcul des intérêts. Elle oblige les esprits à s'entendre provisoirement sur une doctrine.” - Éric-Emmanuel Schmitt
Les relations toxiques sont épuisantes et extrêmement violentes. Les conséquences qui en découlent sont parfois incontrôlables et déstructurantes pour les victimes. Violence, chantage et torture psychologique : la torture “blanche” porte en son nom les sévices et séquelles d’une manipulation toxique et dangereuse qui ne dit pas son nom.
La torture blanche, qu’est-ce que c’est ?
Une torture psychologique
Nous le savons, les mots et les actes sont des armes redoutables. Les effets psychologiques de certains événements ou de certaines actions sont dévastateurs.
Il existe un continuum certain entre la torture psychologique et la torture physique, plus souvent connue. Les conséquences de ces violences morales nous le démontrent. La frontière entre ces deux types de tortures est maigre, mais les répercussions psychiques et physiques sont nombreuses et tout aussi ravageurs.
Pau Pérez-Sales, dans son ouvrage “Torture psychologique : définition, évaluation et mesure” nous propose une définition de la torture psychologique. Elle définit selon lui, les processus qui
« consistent à attaquer ou à manipuler les entrées et les processus de l'esprit conscient. Qui permettent à la personne de rester orientée dans le monde environnant. De garder le contrôle et de disposer des conditions adéquates pour juger, comprendre et prendre librement des décisions qui sont les éléments constitutifs essentiels d'un soi non blessé ».
Source : (Pérez-Sales, Pau., Torture psychologique : définition, évaluation et mesure, New York, Routledge, 2017)
La torture blanche
Qu’est-ce alors que la torture blanche ? La torture blanche est une torture psychologique. En réalité, elle tient son nom de la torture de l’esprit, exercée dans certaines prisons du monde - majoritairement sur les prisonniers politiques.
En réalité, la torture blanche est une pratique de torture psychologique visant à la privation sensorielle complète et à l'isolement. La prisonnier torturé, est progressivement privé de tout sens, et de toute identité. Cette torture, dit blanche, est extrêmement dévastatrice.
En effet, la torture blanche dans le jargon pénitentiaire, consiste à priver un prisonnier de toute couleur et de toute interaction ou stimulation. Sa cellule est blanche du sol au plafond. Ses vêtements et sa nourriture le sont également. La cellule est insonorisée. Les surfaces sont lisses, et le vice est poussé jusque dans l’ombre inexistante, en raison des néons en place et étudiées à cet effet. Le prisonnier est par ailleurs privé de toute interaction sociale.
Ainsi, ce dernier est alors privé de ses sens. De la vision, de l’audition, du goût, de l’odorat et du toucher. Progressivement, il perd pied et perd tout repère intérieur. Il est vidé de ce qui le constitue : son identité et son intégrité.
“La torture interroge, et la douleur répond.” - François Raynouard (Les Templiers)
La torture psychologique dans les relations toxiques : des victimes au quotidien
Les violences psychologiques dans les relations toxiques sont nombreuses. En regardant de plus près, la manipulation, l’emprise et la violence pré- et post-séparation ne se rapprocheraient-elles pas de la torture blanche ?
La victime est isolée, et se renferme progressivement sur elle-même. Elle perd le contrôle, perd tout repère et se sent impuissante. Les moqueries sont constantes, les intimidations devenues monnaie courante. Les violences verbales sont nombreuses, tout comme l’intimidation, le chantage affectif ou encore les humiliations.
L’image de soi de la victime, prisonnière des actes de son bourreau, est détruite à petit feu.
Ainsi, la torture psychologique est une torture qui ne dit pas son nom. Une torture blanche, qui ne laisse à priori aucune trace visible.
Et pourtant, les violences, la manipulation et l’emprise témoignent des recours poignants à des techniques de privation psychologiques et sensorielles extrêmement graves et déroutantes. Comme nous le disions précédemment, la frontière avec les sévices physiques plus visibles et plus connus est presque invisible.
En effet, ces bourreaux ont recours à des techniques de manipulation subtiles et parfois anodines lorsqu’elles sont observées de l'extérieur. Du chantage, des menaces ou de l’humiliation, dissimulés dans une parfaite valse de manipulation. Des pratiques nombreuses et répétées, qui ravagent l’esprit de la victime et brisent son identité jusqu’à la vider parfois de toute force vitale.
La torture blanche ôte aux victimes de ces bourreaux toute intégrité psychique. Isolées de toute famille et de leurs amis, les victimes de ces manipulations psychologiques sont progressivement seules et sans repère auquel se raccrocher. Désarmées, elles sont assiégées par leur persécuteur qui les maintient sous emprise, dans un monde ténébreux et vide. Privées de sens et de pouvoir de réflexion, elles sont réduites à l’état de chose.
La torture est là, silencieuse, neutre et parfois invisible pour le monde extérieur.
Comment s’en sortir ?
Sortir de telles situations est pour le moins complexe. Elle implique une force et un courage immense. Un labyrinthe émotionnel et physique, dont il est parfois difficile de sortir tant les murs de l’emprise, de la dépendance et de la manipulation se resserrent avec le temps.
Il s’agit dans un premier temps de s’éloigner de la cause et de la source de la détention. Si c’est un pas parfois difficile qui semble impossible, c’est pourtant une étape plus que nécessaire. Faire appel à un expert, peut s’avérer d’une aide majeure et même nécessaire, afin de traverser l’épreuve de la toxicité. S’entourer de personnes bienveillantes est vital afin de trouver une épaule solide sur laquelle s’appuyer.
Il s’agit ensuite, autant que possible, de tenter de sortir de l’isolement. De renouer avec sa famille et ses amis, de rencontrer de nouvelles personnes et de se recréer un cercle identitaire. De s’essayer à de nouvelles activités, aussi insignifiantes soient-elles. Car ce sont les petites choses du quotidien qui sont fondatrices de l’identité, de l’équilibre et de la stabilité d’une personne - qui feront la différence.
Par ailleurs, s’informer et se sensibiliser face à ces violences psychologiques, comme la torture blanche, est un outil précieux. Cette démarche permet ainsi de mieux comprendre les mécanismes en jeu dans les relations toxiques, comme dans les violences post-séparation ou l’instrumentalisation de l’enfant. Elle permet également de comprendre la nature des actes exercés par la personne toxique, ainsi que de saisir la gravité et l’urgence de la situation.
Pour aller plus loin :
Nathalie Riesen , experte en relation d’aide aux victimes de relations toxiques et également créatrice et éditrice de projets destinés à dénoncer les cas de violences, de manipulation et de harcèlement (couple famille travail éducation)
Ressources pilotées par Nathalie :
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